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Les Grands Voisins : un autre monde est-il possible ?

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© La Vingt-Cinquième Heure

Comme il est réconfortant de se raccrocher aux utopies qui se concrétisent ! Dans son premier long-métrage, « Les Grands Voisins, la cité rêvée », Bastien Simon retrace une expérience humaine unique. Un documentaire inspirant qui bénéficie d’un dispositif innovant de plateforme de e-cinéma géolocalisé mis en œuvre par La Vingt-Cinquième Heure à partir du 1er  avril.

En cette période de confinement, le e-cinema géolocalisé apporte une judicieuse alternative à la séance de cinéma physique. Il permet au spectateur de visionner le film au même horaire que la séance en salle dans un périmètre géographique autour des cinémas engagés à programmer le film. Le partage des recettes entre le distributeur et l’exploitant se fait comme pour un ticket de cinéma classique.

Le documentaire

Unique en Europe, les Grands Voisins est un village solidaire de près de 2 000 personnes en plein cœur de Paris. À travers la trajectoire de quelques résidents et celles de ses membres fondateurs, le réalisateur interroge notre désir et notre capacité à inventer réellement d’autres manières de vivre ensemble.

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© La Vingt-Cinquième Heure

Le projet des Grands Voisins est né en 2015 dans l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul. Cette expérience a proposé un accueil de jour pour des demandeurs d’asile et regroupé des centres d’hébergement, ainsi que des associations, artistes, jeunes entreprises (conciergerie, espace bien-être, ressourcerie, restaurant solidaire d’insertion…), artisans. Au total : 600 hébergés, plus de 260 structures, sans compter le public extérieur, puisque Les Grands Voisins sont toujours restés ouverts sur le quartier.

Hospitalité et générosité au cœur de la cité

Welcome ! De longs couloirs, des feuilles mortes, des gens qui s’activent, une communauté qui s’entraide… L’immersion est immédiate. D’emblée, Bastien Simon choisit des images évocatrices et fait entendre des mots justes.




Le jeune homme maîtrise son sujet, car depuis 2015, il a parcouru de long en large la friche devenue cité rêvée. À raison d’un court-métrage par mois, Bastien Simon a d’abord réalisé une série documentaire, Les Grands Voisins, journal de bord, qui servira de repérages. Entre temps, il a gagné la confiance de certains et précisé son projet de premier long-métrage documentaire. Sous la neige, dans le potager qui frémit à l’approche du printemps, il va montrer comment le projet évolue au fil des saisons, faisant primer la chaleur humaine, quoi qu’il arrive. Cela représente deux ans de tournage.

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© La Vingt-Cinquième Heure

Bien sûr, la caméra suit de près ceux qui étaient aux manettes des Grands Voisins : « William est quelqu’un avec beaucoup de responsabilités et j’avais envie, à travers lui, de creuser ce côté plus politique du film. Il y a aussi Aurore de l’association Yes We Camp qui joue un rôle de direction ». Ils font effectivement partie de ceux qui ont donné naissance à cette véritable utopie : un village solidaire qui lutte quotidiennement contre l’exclusion, avec des propositions concrètes. Leur énergie, leur efficacité, leur force imposent le respect.

Laboratoire social

Ils pensaient « tester des trucs ». Ils ont réalisé un accueil digne de ce nom, autrement dit humain, des ateliers (alphabétisation, partage des savoirs, permaculture…), des espaces d’expression, des animations et de l’entraide. Au fil des mois et des années, ils ont su faire évoluer Les Grands Voisins et l’enrichir de nouvelles activités, de rencontres, pour bâtir une construction originale et créer de belles histoires. Un site accessible à tous, ouvert sur le quartier et sur le monde.

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© La Vingt-Cinquième Heure

« C’est un petit village au cœur de la capitale », précise Bastien Simon qui a su parfaitement restituer cet esprit. Rappelons le contexte : le projet débute en 2015, juste après les attentats et l’état d’urgence. « En parallèle de ce monde très anxiogène marqué par la présence de militaires, nous étions dans ce havre de paix, ce microcosme, ce petit village gaullois qui dit non. Nous avions ce rêve commun d’apaisement et de paix sociale ».

Goût pour le portrait

Un des points forts de ce documentaire est de s’appuyer sur quelques figures fortes. De la petite à la grande histoire, ils incarnent cette utopie. Parmi ceux qui ont vécu aux Grands Voisins, qui y ont travaillé ou transité : Maël, artiste sans papier qui croit vivre « un rêve éveillé » ; Adrien, luthier, musicien, coordinateur du groupe musical KaceKode ; Kamel, gardien de sécurité au passif de cité, citoyen avisé et bienveillant. Des repères à l’intérieur d’un lieu en perpétuelle transformation.

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© La Vingt-Cinquième Heure

Autour d’eux gravitent des résidents venus d’autres horizons (une cinquantaine de nationalités différentes). Si l’on s’attache aux personnages principaux, tous positifs et créatifs, on apprend à changer notre regard, notamment sur les marginaux : « Je voulais ces gens de la marge, ces gueules, retrouver ces profils-là. Et cette joie de vivre. Il y avait aussi cela aux Grands Voisins, des sujets de société qui s’imposaient par touches », explique Bastien Simon.

La musique comme ciment social

Le tout est émaillé d’anecdotes, de témoignages, d’instantanés qui témoignent de la folie ambiante, comme de la sagesse. Depuis le lancement, jusqu’à l’évacuation du site, dans le respect des engagements pris auprès des institutions bienveillantes, le cinéaste montre de nombreux temps forts : l’aménagement, les réunions, le carnaval, le réveillon, l’intérêt des politiques, les pistes, etc.




Fédératrice, la musique est omniprésente dans le film. Sessions jam improvisées, répétitions de fortune dans un studio minuscule, concerts… les occasions de se rassembler, de s’exprimer et de partager des émotions n’ont pas manqué. On suit également les pérégrinations du groupe KaceKode qui continue d’enflammer les scènes.

Mélange improbable de personnalités réunies autour de ce qui était au départ un atelier de formation, les membres de ce groupe au son métis, sont issus des foyers d’hébergement. Certains sont sans papier. Tous ont une histoire qu’ils racontent dans certaines de leurs chansons. Guidés par l’animateur et guitariste Adrien Collet, Khalifa Sarr, Harry James, Mathurin Maine, Thierry Miekisz, MC Divine, Miraculeux se produisent, depuis, dans de belles salles (Folies Bergère, Glazart, 6B…). Après l’enregistrement d’un premier album, un deuxième est en cours.

Modèle ou utopie ?

Que retenir de cette expérience collective ? On y voit les réussites, mais aussi les doutes ou les désillusions. Par exemple, le Conseil des Grands Voisins est une belle tentative démocratique qui révèle des failles, malgré tout. Ainsi, trop peu de résidents s’impliquent. Rien n’est enjolivé. Des débordements existent, les problèmes sanitaires et psychiatriques sont réels, des échecs déçoivent. Mais que de joie et d’espérances !

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© La Vingt-Cinquième Heure

Le projet a dû se redéployer. Avec une occupation temporaire de 10 000 m² d’espaces bâtis et 3 500 m² d’espaces extérieurs, Les Grands Voisins contribuent à préfigurer le chantier du futur quartier qui verra le jour en 2023.

L’esprit des Grands Voisins essaimera-t-il ailleurs ? D’autres projets similaires devraient éclore ici et là. Les Grands Voisins démontrent que la mobilisation citoyenne n’est pas seulement nécessaire. Elle est vitale.

En tout cas, en diffusant ce long-métrage partout dans le monde, cette incroyable aventure résonnera sûrement et servira de modèle. Incontestablement, cette ancienne maternité renforce un désir commun, le besoin de s’entraider et d’imaginer un monde différent. Pas seulement en cas d’urgences, mais pour le long terme.

Sarah Meneghello

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